Une légère secousse annonce l'arrivée et le départ du métro à la station de la gare centrale de Stockholm. Mon regard se promène dans le wagon à moitié rempli et s'arrête sur un homme d'une quarantaine d'années, à l'allure discrète et qui semble concentré sur la lecture de son journal. C'est ainsi qu'on s'imagine un agent de la "section", l'unité secrète des services secrets suédois, responsable de tant de crimes. Quant à la jeune femme aux cheveux colorés bouclés, elle ressemble à Lisbeth Salander la brillante hackeuse informatique, avec son énorme tatouage sur l'épaule et ses innombrables boucles d'oreilles. "Il doit probablement la surveiller !", pensais-je.
Se retrouver dans la capitale suédoise avec l'un des romans de la trilogie "Millennium" de Stieg Larsson dans son bagage à main stimule sans nul doute mon imagination. En quittant la station de métro, je regarde par-dessus mon épaule : "On ne sait jamais..."
Au coin de la rue Hornsgatan je rencontre, comme convenu, Mario Delgado, mon guide "Millennium". Ce n'est qu'à l'approche de cet endroit animé que je réalise soudainement que nous ne nous sommes pas donnés de signes distinctifs pour nous reconnaître. Qu'est-ce qui aurait été le plus approprié ? Peut-être le dernier numéro de l'"Aftonbladet", serré sous le bras gauche, avec la page des sports face contre l’extérieur ? Mes craintes se révèlent vite inutiles. Mario me regarde déjà de loin. J'ai probablement plus l'air d'un touriste et que d'un agent secret sournois.
Redécouvrir sa propre ville
Né au Mexique, Mario a longtemps vécu en Allemagne avant de suivre l'amour de sa vie à Stockholm, il y a 15 ans. Il m'emmène sur les scènes de la trilogie du roman de Stieg Larsson - un vrai régal pour les fans de "Millennium". Dès que le premier roman a été publié, nous avons suivi les personnages à la trace et quadrillé la ville.", se souvient-il. Les habitants ont également fait quelques découvertes. A Stockholm, par exemple, seules quelques personnes connaissaient l'existence d'une synagogue pour la petite communauté de juifs orthodoxes à la porte Saint-Paul. Mario me guide ensuite dans le quartier de Södermalm, où Stieg Larsson a vécu, travaillé et écrit. Il est donc logique que l'auteur y ait installé ses protagonistes Mikael Blomkvist et Lisbeth Salander. Au cours de cette promenade guidée, nous observons les bâtiments sans âme du programme de logement socialiste des années 1970 où le personnage de Lisbeth a grandi et profitons d'une vue magnifique sur l'archipel de Stockholm depuis l'appartement de Mikael.
Aventures culinaires
Les descriptions de Mario donnent vie à la fiction. Nous nous asseyons avec Mikael dans le restaurant oriental du coin et accompagnons Lisbeth au studio de tatouage. Il me montre aussi les lieux de tournage du remake américain de "Millennium 1», où le réalisateur américain David Fincher a installé une énorme machine à pluie car le soleil brillait pendant un jour de tournage. Nous nous arrêtons ensuite, devant l'épicerie 7-Eleven sur Götgatan. "Lisbeth avait l'habitude d'acheter ses 'Billy's Pan Pizza' ici" , me dit Mario, tout en tenant un paquet vide sous mon nez. "Et quel goût ça a ?", je demande. "Je l'ai jeté. Je ne mange pas ce genre de choses" , me répond-il. Il ajoute que la consommation de ces pizzas toutes prêtes, combinée à une consommation excessive de café et de cigarettes, a conduit à la mort prématurée de Stieg Larsson.
Comme Wallander
Où finit la réalité et où commence la fiction? Cette question se pose également à Ystad. La petite ville portuaire de l'extrême sud de la Suède est devenue célèbre parce qu'ici le détective Kurt Wallander traque les meurtriers les uns après les autres.
"En douze ans, j'ai compté quatre morts violentes au poste de police d'Ystad ", explique la porte-parole de la police, Ewa Gun Westford. "Le travail de la police dans la région tranquille de Skåne consiste davantage à arrêter les cambrioleurs et les petits malfrats et à intercepter les conducteurs de camions ivres" , ajoute-t-elle. Le fait que l'auteur de romans policiers Henning Mankell demande à son héros de résoudre de nombreux crimes violents à Ystad est plutôt surprenant. En même temps, les avantages de cette décision ont été reconnus dans la ville, puisque de plus en plus d'amateurs de crime du monde entier arrivent. Ils mangent un petit pain au hareng au "Fridolfs Café" - tout comme Kurt Wallander. Puis ils passent devant le seul magasin d'alcool de la ville, que Wallander soutient avec sa généreuse consommation de whisky, et visitent le joli théâtre où le violoncelliste russe l'a tant envoûté. Ils découvrent une ville extrêmement pittoresque qui vaut la peine d'être visitée à cause de ses majestueuses maisons à colombages, de l'ancien monastère franciscain ou des rues extrêmement charmantes.
Authenticité du travail de la police
"Wallander a apporté beaucoup à Ystad. Mais il m'aide aussi personnellement dans ma vie professionnelle car il éveille l'intérêt des gens pour le travail de la police", souligne Ewa Gun Westford. Elle-même a contribué à cet intérêt et à la grande popularité de Wallander: elle a accompagné le tournage professionnellement dès le début, car le commissaire du film doit paraître aussi authentique que possible. Par exemple, elle a permis à l'acteur wallon Krister Henriksson de se familiariser avec le jargon policier, l'a initié au travail d'investigation et lui a appris à tirer. "Par contre, je n'ai pas réussi à convaincre l'équipe de tournage qu'aucun policier au monde ne garde son arme dans le tiroir de son bureau", dit-elle en riant.
Le personnage des romans de Camilla Läckberg, Erica Falck, dans le pittoresque Fjällbacka sur la côte ouest suédoise, près de la frontière norvégienne, est également une aide active pour la police. Elle est mariée au policier Patrik Hedström. Chaque fois que son enquête s'arrête, Erica lui donne les indices décisifs pour résoudre l'affaire. "Camilla Läckberg a rendu Fjällbacka célèbre. Presque tous les habitants sont fiers de ce succès", explique Åsa Cuniff, qui guide les visiteurs à travers le village sous le titre "Murdwanderung". Seul le chef de la police locale et le prêtre ont exprimé des réserves, poursuit-elle. L'homme de loi a été choqué par le fait que ses troupes étaient trop mal loties dans les histoires. Et le protecteur des âmes était irrité par le nombre d'exhumations effectuées dans le petit cimetière du village décrits dans les huit volumes publiés jusqu'à présent alors qu'il n'y en a probablement eu que très peu dans toute l'histoire criminelle suédoise.
Mais si la preuve l'exige, la fin justifie les moyens. Et il y a beaucoup à prouver dans le Fjällbacka de Läckberg. De la colline de l'église où le vent souffle, Åsa montre du doigt les toits des maisons en bois colorées, les gorges derrière le village, la tour de plongeon de la piscine extérieure et le magnifique paysage de l'archipel, faisant la liste des endroits où les corps ont été retrouvés jusqu'ici.
Une discussion avec la mère de Camilla
En descendant vers la route côtière, notre guide Åsa nous dit que Camilla Läckberg est devenue écrivain par pur hasard. "Elle a commencé à écrire de petits récits après un cours d'écriture parce qu'elle ne se sentait pas assez stimulée dans son travail de marketing. Ses histoires se passent à Fjällbacka, ville où elle a grandi et dont elle connaît chaque pierre." poursuit-elle.
Si la chance vous sourit, vous pourrez aussi discuter avec la mère de Camilla Läckberg lors du tour avec Åsa. On la retrouve souvent dans le petit hangar à bateaux rouge qui appartient à l'écrivain. "Elle est très heureuse du succès de sa fille et sort chaque fois qu'elle me voit venir avec des invités", nous explique Åsa Cuniff.
Septembre est une bonne période pour visiter Fjällbacka. La population locale se réapproprie le village après la saison très animée de l'été. Il est possible de regarder par-dessus l'épaule de l'équipe de tournage qui met en scène les histoires de Camilla Läckberg sous le soleil de l'été indien. A la fin de la haute saison, les habitants ont, à nouveau, le temps de se glisser dans de petits rôles secondaires et de s'immortaliser aux côtés d’acteurs connus. D'ailleurs, Fjällbacka a de l'expérience avec les stars de cinéma. Dès la fin des années 50, l'actrice Ingrid Bergman est venue séjourner sur l'île voisine Dannholmen. Sans complication, elle achetait ses petits pains dans le village et posait patiemment avec la population locale pour des photos souvenirs. Après sa mort en 1982, ses cendres ont été dispersées sur Dannholmen. Un buste portant son nom nous rappelle, encore aujourd'hui, la relation particulière entre cette star mondiale et ce lieu au cœur de Fjällbacka.
Trop romantique pour les Suédois
La relation des Suédoises avec Inga Lindströmn est un peu moins intime qu'avec Ingrid Bergman. La scénariste Christiane Sadlo utilise ce pseudonyme pour ses longs-métrages romantiques diffusés par la télévision allemande. Ceux-ci sont tournés dans la province de Sörmland, au sud de Stockholm. "L'image romantique que les films d'Inga Lindström montrent de leur pays est trop parfaite et trop harmonieuse pour les Suédois" , explique Ute Rüegg. Cette Allemande, mariée à un Suisse, vit en Suède depuis des années. En tant que coordinatrice des figurants, elle a vécu plusieurs productions d'Inga Lindström de près.
A Trosa, nous flânons le long des maisons en bois aux couleurs gaies et aux jardins bien entretenus qui bordent le canal. Nous comprenons pourquoi la cinquantaine films d'amour tournés dans cette ambiance réjouissent des millions de téléspectateurs. Beaucoup d'entre eux visitent Trosa pour s'immerger dans l'atmosphère estivale suédoise que les films évoquent de façon si impressionnante. Certains sont cependant déçus lorsqu'ils découvrent que la boulangerie de "The Magic of Sandbergen" est en fait un restaurant qui a été reconstruit pour le tournage. Le Suisse Toni Betschart, qui tient le restaurant "Antons Krog", offre un repas savoureux et dispense de nombreuses anecdotes sur ses interactions avec le monde du cinéma. Par exemple, comment il a sauvé une journée de tournage : dans la boulangerie Sandbergen, l'acteur principal devait déposer des petits pains frais dans un panier. Cependant, en raison de l'humidité élevée, les carottes de massepain se sont séparées de la surface des petits pains lors de la première répétition de la scène. Sans les carottes, toute la journée semblait tomber à l'eau. Le désespoir s'empara de l'équipe de tournage ! L'ingénieux Toni a pris l'initiative de coller les carottes avec du jaune d'œuf et les a fixées avec de la laque à cheveux. La journée de tournage a été sauvée.
De retour en Suisse, j'ai encore plus envie de voir les téléfilms du sud de la Suède qu’avant notre voyage. Mais désormais, je ne me demande plus qui est le meurtrier ou si les amoureux se remettront ensemble à la fin. Je suis plutôt à la recherche de jolis théâtres, de petits hangars à bateaux rouges et de carottes en massepain !
Un voyage dans l'enfance
Un parc de loisirs enchanteur: "Astrid Lindgrens Värld" emmène les visiteurs au coeur des célèbres histoires de l'auteur suédois de livres pour enfants.
Fifi Brindacier, l'insolent Michel (son nom en Suède est Emil) de Lönneberga, les enfants de Bullerbü ou encore Ronya, fille de brigand: quiconque a aimé ces histoires quand il était enfant se sentira comme à la maison dans le parc de loisirs "Astrid Lindgrens Värld". A Vimmerby, la ville natale d'Astrid Lindgren, ce parc à thème très spécial s'étend sur 180 000 mètres carrés. "Nous voulons perpétuer l'héritage d'Astrid Lindgren et toujours amener de nouvelles générations d'enfants aux histoires merveilleuses de Lindgren ", explique Nils Magnus Angantyr, responsable du marketing chez Astrid Lindgren's World.
Dédié aux enfants
Dans l'esprit de l'auteur de livres pour enfants, le parc est entièrement destiné à la jeunesse. Neuf lieux différents sont dédiés aux personnages importants d'Astrid Lindgren. La Villa Kunterbunt de Fifi, le Hof Kattult de Michel et d'autres lieux ont été recréés et conçus comme des scènes en plein air, toujours fidèles aux modèles du livre. Chaque jour, 125 acteurs professionnels et enfants formés par des pédagogues de théâtre mettent en scène 55 passages plus ou moins longs et connus de livres pour enfants. Avant et après les spectacles, ils jouent et discutent avec les enfants.
"Cette interaction est un point central de notre concept. Les personnages peuvent ainsi être vécus directement par les enfants. De telles rencontres sont gravées dans les mémoires", souligne Nils Magnus Angantyr.
Aujourd'hui, le parc appartient à la famille Astrid Lindgren. Un comité de programmation composé de membres de la famille et d'amis veillent à ce que le parc continue à se développer dans l'esprit de l'auteur qui aimait les enfants. Dans les environs de Vimmerby, les lieux de tournage originaux des films "Farces d’Emil" et "Enfants de Bullerbü" vous invitent à les visiter. Le musée Astrid Lindgren mérite également une visite.